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Fermes collectives : de nouveaux modèles pour s’installer à plusieurs

conférences inspirantes fermes collectives laurent marbot et abdenour hammad fermes d'avenirLe 25 juin 2022 se déroulait notre quatrième conférence inspirante sur la thématique « Fermes collectives : de nouveaux modèles pour s’installer à plusieurs ». Elle faisait témoigner deux agriculteurs ayant fait le choix de s’installer sur des fermes collectives : Laurent Marbot, maraîcher sur la “Ferme de l’Envol”, et Abdenour Hammad, chevrier sur la “Ferme de Toussacq”.

 

Vous vous intéressez au sujet des fermes collectives ? Vous trouverez dans cette synthèse de nombreuses réponses à vos questions : les différents modes de gouvernance et leurs modèles économiques avec deux exemples de fermes différentes.

Cette série de conférences inspirantes a pour but de faire dialoguer les agriculteurs de l’Essonne et les citoyens, et est organisée en partenariat avec Blue Bees, le Programme Sésame de Cœur d’Essonne Agglomération, l’Ademe et Ecocert.

Actuellement, l’un des enjeux majeurs en agriculture est de faire converger les projets d’installation des personnes en reconversion professionnelle et la transmission des fermes. En 2025, 50 % des agriculteurs seront à la retraite, ce qui veut dire que des fermes et des hectares de terre chercheront des repreneurs. Afin que ces fermes et ces terres perdurent et ne soient pas absorbées dans les grandes exploitations agricoles qui s’agrandissent encore et encore, des réseaux alternatifs et des collectifs sont apparus. Leur mission est de transmettre et de restructurer les fermes en aidant les porteurs de projet à s’installer. C’est ainsi que des initiatives telles que la Ferme de l’Envol et la Ferme de Toussacq se sont créées.

 

La Ferme de Toussacq

La Ferme de Toussacq est une ferme de 73 ha située dans le Sud Seine-et-Marne, créée en 2009 dont le foncier et les bâtiments agricoles ont été rachetés par la foncière Terre de Liens en 2011 grâce aux achats de parts dédiées au projet par de nombreux citoyens. En 2016, suite au départ du maraîcher, la coopérative du Champ des Possibles – SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif) et ses différents associés (AMAP, salariés, amis), achètent l’outil de production (tracteurs, matériels divers, outils) pour plusieurs dizaines de milliers d’euros. L’outil de production est détenu par la coopérative, donc incessible et mutualisé : il représente une propriété collective et son usage est facturé aux agriculteurs. C’est la coopérative qui s’endette : cela évite aux paysans de porter cette charge et limite l’impact du coût de l’équipement sur leur résultat, et donc leurs rémunérations.

Depuis peu, les paysans et artisans disposent d’une alternative à l’entrepreneuriat individuel avec la possibilité de développer leur activité durablement sur la ferme grâce au statut d’entrepreneur salarié associé. Ainsi ils deviennent associés de la coopérative en apportant 10 000 € de parts sociales, qu’ils récupèrent en sortant du dispositif. L’engagement financier est incomparable avec ce qui est nécessaire pour une installation classique. Chaque année, le matériel est mis à leur disposition avec un coût de location réduit.

Par exemple, au départ de son projet, Abdenour voulait s’installer seul et être autonome. Suite à sa reconversion et à sa rencontre avec d’autres porteurs de projet, il a repris foi en l’humain et dans la force du collectif. “On peut rapidement se sentir seul et dépassé dans le monde agricole et avoir du soutien et savoir s’entourer est indispensable”, nous dit-il. De plus, l’aspect financier a fait pencher la balance du côté de la ferme collective car il est devenu difficile d’acquérir un prêt bancaire pour une activité d’élevage (le rendement et la stabilisation financière commencent à partir de 5 ans minimum contrairement à 2 ans pour la plupart des autres activités agricoles). Le collectif l’a aidé pour lancer son activité sans avoir à s’endetter de plusieurs dizaines de milliers d’euros.

 

La Ferme de l’Envol

La Ferme de l’Envol est une ferme en polyculture élevage de 75 ha en Essonne à 20 km de Paris, créée en 2020. La ferme est organisée sous forme de SCIC, sous le nom de Fermcoop, et de SCOP son rôle principal est d’unir les forces de ses sociétaires afin de lever les fonds nécessaires au projet de la Ferme de l’Envol, de porter les investissements immobiliers, et d’assurer la gouvernance et la co-construction du projet. Les bâtiments et les infrastructures de Fermcoop sont ensuite loués au collectif d’agriculteurs de la ferme à travers un bail rural, ce qui leur permet de ne pas s’endetter lourdement et d’acquérir une meilleure rémunération.

 

La ferme a été conçue autour de 4 grands objectifs :

  • Assurer le renouvellement générationnel du monde agricole, en donnant envie à des jeunes de devenir paysans. Cela passe par la revalorisation du métier : les salaires (entre 1 800 € et 2 600 € nets), les congés payés, les week-ends d’astreintes permettant de se reposer certains weekends,  la cotisation au système de chômage et de retraite…
  • Créer une ferme agroécologique, respectueuse de l’environnement et pérenne dans le temps : avec le respect du cahier des charges de l’Agriculture Bio, la récupération des eaux pluviales, la plantation de milliers d’arbres, la création d’un corridor écologique, l’écoconstruction des bâtiments avec des matériaux locaux, l’autonomie énergétique, la pérennisation des sols agricoles sur le long terme…
  • Développer les circuits courts, en nourrissant la population locale de manière saine et équilibrée.
  • Tester des formes innovantes de gouvernances horizontales et coopératives dans le contexte agricole :
  • FERMCOOP (SCIC) : afin de rassembler l’ensemble des parties prenantes de la chaîne agroalimentaire : les producteurs, les distributeurs, les consommateurs, les associations locales (AMAP), les personnes publiques (agglomération). L’objectif est que les consommateurs conçoivent leur propre outil d’approvisionnement alimentaire, en collaboration avec les agriculteurs, de manière coopérative.
  • La Ferme de l’Envol (SCOP) : afin de faciliter l’installation en limitant l’endettement des porteurs de projet. Ainsi, quand un jeune agriculteur devient associé dans la Ferme de l’Envol pour s’installer, il doit apporter 10 000 euros de parts sociales. Il n’a pas besoin de s’endetter de plusieurs centaines de milliers d’euros pour racheter un terrain, des bâtiments ou du matériel.

La gouvernance de Fermcoop, en tant que SCIC, est équilibrée en 5 collèges représentant les principaux acteurs de la chaîne agroalimentaire, chacun d’eux étant doté d’un pouvoir de vote spécifique : producteurs : 30 %, distributeurs et transformateurs : 30 %, entités publiques : 20 %, amis : 10 %, investisseurs : 10 %.

Laurent Marbot, maraîcher sur la ferme, nous explique qu’il ne se serait jamais installé seul. Avant de se lancer dans l’aventure des fermes collectives, il a été maraîcher bio pendant 20 ans et a encadré des équipes de production et des saisonniers, sur la Ferme des Tourelles avec son associé. Il a été séduit par le projet de la Ferme de l’Envol et a souhaité s’y installer avec Anaïs Droit (qu’il a encadré en couveuse) et Éric Châtelet, maraîcher bio depuis 10 ans. Il connaissait déjà les avantages d’une ferme collective car il avait aidé à la création du Champ des Possibles Île-de-France et souhaitait mettre sa pierre à l’édifice en créant une ferme avec un modèle de gouvernance innovant et un fonctionnement différent.

La différence entre les deux fermes sur le plan opérationnel

La Ferme de l’Envol est un collectif très intégré, c’est-à-dire que tous les matins, les agriculteurs répartissent les rôles de chacun pour la journée suivant les priorités, ils partagent la même production et toutes les décisions sont prises en commun. Ils organisent des réunions hebdomadaires et mensuelles suivant les objectifs à atteindre qu’ils soient : opérationnels, stratégiques et commerciaux.

À l’inverse, à la Ferme de Toussacq, chacun est entrepreneur autonome et gère son activité économique comme bon lui semble. L’aspect collectif se traduit par la mise en commun du matériel, des outils, des espaces de stockage et l’entretien des terres (une à deux fois par an). Ils s’organisent en minis ateliers suivant les besoins et les envies de chacun, par exemple Abdenour nous explique que depuis quelques mois, certains veulent s’ancrer dans le paysage et local et ont créé un groupe de travail pour participer à un marché une fois par semaine.

 

Pour Abdenour et Laurent, ils existent plusieurs avantages aux fermes collectives :

  • Remplacement lors de maladies
  • Prise de congé plus longue
  • Repos le weekend grâce aux astreintes
  • Mutualisation des dépenses
  • Financement à la banque plus accessible
  • Risques et endettement réduits pour le lancement du projet
  • Travail beaucoup plus efficient et productif sur une journée de travail

 

Le plus gros challenge à leurs yeux : la communication

Pour Laurent, il est nécessaire de savoir se remettre en cause et mettre son égo de côté afin de communiquer d’une manière non-violente et efficace pour se dire les choses dans les bons et mauvais moments. Pour lui, ce travail de communication est primordial pour l’organisation et la synergie du collectif. Il tient à nous mettre en garde, car avec le stress, la fatigue et la charge de travail liée à la saisonnalité, il peut être difficile de tenir un rythme régulier et de continuer à communiquer efficacement.

Pour finir, Abdenour nous donne le conseil suivant : « Ne pas ignorer le côté humain du collectif et mettre le paquet sur l’accompagnement et les ressources humaines”.

 

Vous souhaitez en savoir plus sur la création d’une ferme collective avec un modèle SCOP ? Écoutez le Podcast les clefs de l’agroécologie avec Marie Le Mélédo.

Fermes d’Avenir a construit et piloté le projet de la Ferme de l’Envol : 

Découvrez la Ferme de l’Envol et son modèle économique en lisant le Dossier de Presse de la ferme et le cas pratique de la construction du projet.

Découvrez la Ferme de Toussacq et son modèle économique.

Pour en lire plus sur le sujet des fermes collectives, nous vous conseillons le livre, “Fermes collectives le guide (très) pratique” de Maëla Naël.